Regbar
2004-12-20 10:40:37 UTC
« Bien. Tu as une religion, une foi en quelque chose. Il est bon
d'avoir foi en quelque chose, même sans savoir exactement en qui ni en
quoi, même sans avoir aucune idée de la valeur et des possibilités
de ce en quoi l'on croit. Croire, que ce soit consciemment ou même
tout à fait inconsciemment, est, pour tout être, chose indispensable
autant que désirable.
« Et c'est chose désirable, parce que c'est par la Foi, et par la Foi
seule, qu'apparaît l'intensité de conscience de soi êtrique
indispensable à chacun, ainsi que l'évaluation de son propre être en
tant que parcelle de Tout ce qui existe dans l'Univers.
« Mais qu'est-ce que l'existence d'un autre être peut avoir à
faire avec la Foi?
« Que vient faire ici cette existence que tu détruis, et que tu
détruis au nom de son Créateur?
« Pour le Créateur, cette « vie » qu'il a créée comme Il a créé
la tienne, a la même valeur que la tienne.
« Tu te prévaux de ta force physique et de ta ruse - c'est-à-dire
des données qui te sont propres et que Notre Créateur Commun t'a
dispensées en vue du perfectionnement de ta raison - pour profiter
de la faiblesse psychique d'un autre être et détruire son existence".
"Ne comprends-tu pas, malheureux, quelle action objectivement mauvaise
tu commets ainsi?
"Premièrement, en détruisant l'existence d'autres êtres, tu réduis
pour toi-même le nombre des facteurs dont les résultats peuvent seuls
constituer dans leur ensemble les conditions permettant à tes
semblables de se perfectionner. Deuxièmement, tu diminues ou
détruis tout à fait par cela même l'espoir que le Créateur Notre
Père Commun a mis dans les possibilités qui te furent départies en
tant qu'être tri-cérébral, et sur l'aide desquelles II compte pour
l'avenir. L'absurdité manifeste de cette épouvantable action êtrique
éclate en ceci déjà, que tu t'imagines, en détruisant l'existence
d'un autre être, te rendre agréable à Celui-là même qui a créé
cet être - et l'a créé, certes, avec intention.
"Se peut-il qu'il ne te soit jamais venu à l'esprit que si Créateur
Notre Père Commun créa cette « vie », II le fit certainement dans
un dessein déterminé ?
« Pense, lui dis-je [Belzébuth] encore, pense un peu, non pas comme
tu t'es habitué à penser pendant toute ton existence, tel un « âne
de Khorassan », pense honnêtement, sincèrement, comme il est propre
de le faire à un « être à l'image de Dieu », ainsi que tu te
nommes toi-même.
« Se pourrait-il qu'après vous avoir créés, toi et ces êtres dont
tu détruis l'existence, Notre Créateur ait gravé sur le front de
certaines de Ses propres créatures qu'elles devraient être détruites
en Son honneur et pour Sa gloire?
« Quiconque y pense sérieusement et sincèrement, serait-il un idiot
de « l'île d'Albion», est à même de comprendre que cela n'aurait
jamais pu être.
« Cette idée n'est qu'une invention des hommes qui se disent « à
l'image de Dieu », et non de Celui qui a créé, en même temps que
ces hommes, toutes les autres formes d'êtres, qu'ils détruisent
soi-disant pour Son plaisir et Sa satisfaction.
« Pour Lui, la vie des hommes et celle des êtres de toutes formes ne
présentent aucune différence.
« Et les hommes sont « vie », et les êtres d'autres formes
extérieures sont « vie ».
« Dans Sa Sagesse, II a prévu que la Nature adaptât la diversité
des formes extérieures de chaque être aux conditions et au milieu où
était destiné à s'écouler le processus de son existence.
« Toi, par exemple : serais-tu en mesure, avec les organes internes et
externes que tu possèdes, d'aller te jeter à l'eau pour y vivre comme
un poisson?
« Certainement pas, parce que tu n'as ni « branchies », ni «
nageoires », ni « queue » comme le poisson : tu n'es pas une « vie
» destinée à exister dans un milieu tel que l'eau.« Si tu t'avisais
d'aller te jeter à l'eau, tu serais bien vite suffoqué, tu coulerais,
et servirais de hors-d'uvre aux poissons qui sont naturellement plus
forts que toi dans ce milieu qui leur est propre.
« II en va de même pour les poissons. Un poisson pourrait-il venir
s'asseoir à cette table bien servie, et boire en notre compagnie le «
thé vert » que nous dégustons en ce moment?
"Certainement non! Il n'a pas d'organes appropriés à une
manifestation de ce genre. Il est créé pour l'eau et tous ses organes
internes et externes sont appropriés à cet élément, le seul qui lui
soit propre et où il puisse se manifester avantageusement pour
accomplir le destin que lui a fixé le Créateur.
"De même, chez toi, les organes internes et externes ont été conçus
par Notre Créateur Commun de manière appropriée. Il t'a été donné
des pieds pour que tu marches ; il t'a été donné des mains pour que
tu prépares et prennes la nourriture nécessaire ; il t'a été donné
un nez, et des organes qui s'y relient, pour absorber et transformer en
toi les substances cosmiques dont se revêtent, chez les êtres
tri-cérébraux tes semblables, les deux corps étriqués supérieurs
en l'un desquels repose précisément l'espoir de Créateur Commun
Tout-Embrassant, qui attend de lui l'aide dont II a besoin pour
réaliser, comme II l'a prévu, le bien de tout ce qui existe.
"Bref, la Nature a reçu de Notre Créateur Commun le principe voulu
pour qu'Elle revête et adapte aussi tous les organes internes et
externes des êtres ayant un système de cerveaux comme le tien, selon
le milieu dans lequel est destiné à s'écouler le processus de leur
existence.
"Pour rendre la chose plus claire, ton âne, attaché dans ton
écurie, sera un très bon exemple."Envers ton âne, tu abuses
des possibilités que t'a données Notre Créateur Commun, car si cet
âne se trouve aujourd'hui par force en ton écurie, c'est
uniquement parce qu'il a été créé bi-cérébral ; et il a été
créé bi-cérébral parce que cette organisation de sa présence
générale est indispensable à l'existence cosmique sur les
planètes.
« C'est donc légitime que la présence de ton âne soit dépourvue de
toute possibilité de « penser logique » - c'est légitime qu'il
soit, comme tu le définis, un être « peu sensé » ou « stupide ».
« Quant à toi, tu as été créé, non seulement pour servir ce même
but d'existence cosmique sur les planètes, mais aussi comme « champ
d'espérance » pour Notre Créateur Commun Tout-Miséricordieux ; en
d'autres termes, tu as été créé avec la possibilité de revêtir en
ta présence, la « Grandeur sacrée » par excellence, pour
l'avènement de laquelle l'Univers entier lui-même a été créé.
Mais en dépit des possibilités qui te furent conférées - celles
d'un être tri-cérébral et par cela même capable d'un « penser
logique » - tu n'appliques point cette propriété sacrée au but en
vue duquel elle t'a été donnée, mais tu la manifestes sous forme de
« ruse » envers les autres créatures - dans le cas présent, par
exemple, envers l'âne qui t'appartient.
« Exception faite de la possibilité qui te fut dévolue de revêtir
consciemment en ta présence cette « Grandeur sacrée », ton âne,
pour le processus cosmique général, et par conséquent pour Notre
Créateur Commun, a la même valeur que toi, car tous deux vous avez
été destinés à servir quelque but déterminé, et l'ensemble de ces
buts déterminés constitue la raison d'être de tout ce qui existe.
« La seule différence entre ton âne et toi réside dans la forme et
la qualité de fonctionnement de l'organisation intérieure et
extérieure de vos présences générales.
« Par exemple, tu n'as que deux jambes, alors que ton âne en a
quatre, dont chacune est beaucoup plus forte que les tiennes.
« Pourrais-tu, dis-moi, sur ces deux faibles jambes, porter autant que
ton âne ?
« Assurément pas ! Tes jambes ne t'ont été données que pour te
porter toi-même, ainsi que le peu de choses prévu par la Nature comme
indispensable à l'existence
normale d'un être tri-cérébral. Et cette inégale répartition de
force et de puissance, injuste, à première vue, de la part de Notre
Très Equitable Créateur, a été voulue par la Grande Nature pour la
seule raison que le surplus de substances cosmiques qu'elle t'autorise
à prendre, selon la prévoyance du Créateur, pour servir à ton
propre perfectionnement, ne fut point donné à ton âne ; chez ton
âne, ce surplus de substances cosmiques transformé par la Grande
Nature en force et en puissance de certains de ses organes - pour
l'existence présente seulement - sans d'ailleurs qu'il en ait
conscience ; aussi t-il manifester cette puissance incomparablement
mieux toi.
"Et ces diverses manifestations de puissance d'êtres de différentes
formes constituent dans leur ensemble les seules conditions
extérieures dans lesquelles tes semblables, les tri-cérébraux,
peuvent consciemment perfectionner, jusqu'au degré voulu de
Raison objective, le « germe de Raison » déposé en leur présence.
"Je te le répète, pour Notre Créateur Commun, les êtres de tous
systèmes de cerveaux, existant sur la terre, dans la terre, dans l'eau
et dans les airs, sont tous sans exception, les plus petits comme les
plus grands, également indispensables à l'harmonie d'existence
universelle.
"Puisque c'est cet ensemble de toutes les sortes d'êtres qui constitue
la forme de processus d'existence universelle requise par Notre
Créateur, l'essence de chaque être Lui est également précieuse et
également chère.
"Pour Notre Créateur Commun, les êtres ne sont que des parcelles
d'existence d'une seule Essence qu'Il spiritualise."Mais que
voyons-nous autour de nous ?
"L'une des formes d'êtres qu'Il a créés, et en la
présence desquels II a placé tout Son espoir pour le bien - de toutes
choses existantes, abusant des avantages qu'elle possède, s'est mise
à dominer les autres formes et à détruire de droite et de gauche
leur existence - et elle le fait soi-disant « en Son Nom ».«Cette
action monstrueuse et anti-divine se commet ici sur chaque place et
dans chaque maison, et pourtant il ne vient à l'esprit d'aucun de ces
malheureux que ces êtres, dont nous détruisons en ce moment
l'existence, sont tout aussi chers que nous à Celui qui les a crées,
et que s'Il a créé ces autres formes d'êtres, c'était certainement
en vue de quelques buts.
Ayant ainsi parlé, [ Belzébuth, le personnage de Gurdjieff ] ajouta :
« Et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que tout homme qui
détruit l'existence d'autres êtres en l'honneur de ses idoles
vénérées, le fait de tout son cur, pleinement: convaincu qu'il
exécute une « bonne action ».
« Si chacun d'eux prenait conscience du fait qu'en détruisant
l'existence d'un autre être, il commet au contraire une mauvaise
action envers le vrai Dieu comme envers tout Saint véritable, et
suscite même en leur Essence de h tristesse et de l'affliction, à
l'idée qu'il existe dans le Grand Univers de pareils monstres « à
l'image de Dieu », capables de se manifester de manière si indigne et
si impitoyable; envers d'autres créatures de Notre Père Commun -
si chacun d'eux, je le répète, en prenait conscience, je suis
absolument certain qu'ils accepteraient tous, et de tout cur,
de ne plus détruire l'existence d'êtres d'autres formes pour les
offrir en sacrifice.
« Et peut-être alors serait observé sur la Terre le dix-huitième
commandement de Notre Créateur Commun, qui ordonne : « Aime tout ce
qui respire ».
« Offrir à Dieu l'existence d'autres créatures est l'acte d'un
brigand qui s'introduirait par force en ta maison et détruirait sans
rime ni raison tous les « biens » qui s'y trouvent, que tu as mis des
années à accumuler et qui t'ont coûté tant de peine et de
souffrances.
"Pense, mais pense, je te le répète, sincèrement ;
représente-toi ce que je viens de te dire et réponds-moi : cela te
serait-il agréable? Remercierais-tu l'effronté brigand qui se serait
introduit chez toi?
"Non ! Assurément non ! Mille et mille fois non ! Tu te révolterais
au contraire de tout l'être, tu voudrais punir ce scélérat, et
de toutes les fibres de ton psychisme tu t'efforcerais de trouver
une manière de t'en venger.
"Tu vas sans doute me répondre : c'est vrai, mais je ne qu'un
homme..."Oui certes, tu n'es qu'un homme. Il est heureux que Dieu soit
Dieu, et non pas vindicatif et méchant comme l'homme.
"Bien sûr qu'il ne te punira pas et ne tirera pas de toi vengeance
comme tu l'aurais fait pour le brigand qui aurait détruit
tes biens accumulés au cours des ans. Cela va sans dire : Dieu
pardonne tout ; cela a même force de loi dans le monde.
"Mais aucune de Ses créatures - l'homme pas plus les autres - ne
doit abuser de cette Bonté toute-miséricordieuse et
partout-pénétrante, et il est de leur devoir à toutes non seulement
de veiller à tout ce qui fut créé par mais encore de le maintenir.
"Sur cette Terre, au contraire, les hommes vont jusqu'à diviser tous
les êtres d'autres formes en « purs » et "impurs".
"Dis-moi, comment furent-ils amenés à faire cette
distinction ? Pourquoi, par exemple, le mouton est-il « pur » et le
lion "impur » ?
"Ne sont-ils pas des êtres tous les deux?
"C'est là encore une invention des hommes... Mais pourquoi
cette invention, pourquoi cette distinction ? Tout bonnement parce que
le mouton est un être faible et qui plus est, stupide, et qu'ils
peuvent en prendre à leur aise avec lui.
"Quant au lion, les hommes le disent "impur" parce qu'avec
lui ils n'osent pas faire ce qu'ils veulent.
« Le lion est plus intelligent, et surtout plus fort qu'eux.« Non
seulement il ne se laisse pas détruire, mais il ne se laisse pas
approcher. Et si quelqu'un prenait un beau jour la liberté de
l'approcher, « Monsieur Lion » aurait vite fait de lui flanquer une
telle « taloche » que la vie de ce téméraire s'envolerait illico
bien loin, là où « gens de l'île d'Albion » n'ont encore jamais
voyagé.
« Le lion, encore une fois, n'est « impur » que parce que les hommes
le craignent.
« II est cent fois plus fort qu'eux, il leur est cent fois supérieur.
Le mouton, lui, n'est « pur » que parce qu'il est beaucoup plus
faible et, je le répète, beaucoup plus bête qu'eux.
« Tout être occupe parmi les autres une place déterminée, conforme
à sa nature, ainsi qu'au degré de Raison atteint par ses ancêtres et
qui lui revient par hérédité.
« La différence entre les présences, nettement cristallisées, du
psychisme de ton chien et de ton chat, nous permettra d'éclairer ce
que je viens de te dire.
"Si tu gâtes tant soit peu ton chien et le dresses à faire ce qui te
plaît, il deviendra docile et caressant au point de s'humilier devant
toi.
« II te suivra partout et exécutera devant toi toutes sortes de «
cabrioles » à seule fin de te plaire toujours davantage.
« Tu peux le traiter familièrement, tu peux le battre, tu peux
l'offenser, jamais il ne s'en fâchera : il ne fera que s'aplatir de
plus en plus devant toi.
« Mais essaie donc de faire la même chose avec ton chat.
« Crois-tu qu'à tes offenses il répondra comme un chien et qu'il
exécutera pour ton plaisir les mêmes « cabrioles » humiliantes ?
Allons donc !
« Bien que le chat n'ait pas assez de force physique pour user
sur-le-champ de représailles, il n'oubliera jamais la manière dont tu
l'as traité, et un jour ou l'autre s'en vengera.« On cite des cas de
chats qui sautèrent à la gorge d'un homme pendant son sommeil. Je le
crois sans peine, connaissant les motifs qui poussent un chat à
commettre une pareille action.
« Non, le chat a le sens de sa personne, il connaît sa propre valeur
; il est fier, et cela uniquement parce qu'il est un chat, et que sa
nature possède ce degré de Raison qui est le sien de par les mérites
de ses ancêtres.
« Dans tous les cas, aucun être, même pas l'homme, ne doit lui en
faire grief.
« En quoi est-il coupable d'être un chat? Quel mal y a-t-il à ce que
sa présence occupe, de par les mérites de ses ancêtres, ce degré de
« conscience de soi » ?
« II ne faut pas haïr le chat pour cela, ni le battre, ni offenser ;
bien au contraire, il faut lui donner ce qui lui est dû, en tant qu'il
occupe un degré supérieur de l'échelle d'évolution de la
«conscience de soi ».
« Ce n'est pas en vain qu'un ancien prophète de la planète «
Desagroanskrad », le célèbre « Arhounilo », actuel assistant du
Grand Enquêteur de l'Univers entier en matière de morale objective, a
dit un jour : « Si un être t'est supérieur par la Raison,
incline-toi devant lui et tâche de l'imiter en tout; s'il t'est au
contraire inférieur, sois juste à son égard, parce qu'il fut un
temps où tu occupais la même place que lui, d'après le Mesureur
Sacré de Raison de Notre Créateur Tout-Puissant."
d'avoir foi en quelque chose, même sans savoir exactement en qui ni en
quoi, même sans avoir aucune idée de la valeur et des possibilités
de ce en quoi l'on croit. Croire, que ce soit consciemment ou même
tout à fait inconsciemment, est, pour tout être, chose indispensable
autant que désirable.
« Et c'est chose désirable, parce que c'est par la Foi, et par la Foi
seule, qu'apparaît l'intensité de conscience de soi êtrique
indispensable à chacun, ainsi que l'évaluation de son propre être en
tant que parcelle de Tout ce qui existe dans l'Univers.
« Mais qu'est-ce que l'existence d'un autre être peut avoir à
faire avec la Foi?
« Que vient faire ici cette existence que tu détruis, et que tu
détruis au nom de son Créateur?
« Pour le Créateur, cette « vie » qu'il a créée comme Il a créé
la tienne, a la même valeur que la tienne.
« Tu te prévaux de ta force physique et de ta ruse - c'est-à-dire
des données qui te sont propres et que Notre Créateur Commun t'a
dispensées en vue du perfectionnement de ta raison - pour profiter
de la faiblesse psychique d'un autre être et détruire son existence".
"Ne comprends-tu pas, malheureux, quelle action objectivement mauvaise
tu commets ainsi?
"Premièrement, en détruisant l'existence d'autres êtres, tu réduis
pour toi-même le nombre des facteurs dont les résultats peuvent seuls
constituer dans leur ensemble les conditions permettant à tes
semblables de se perfectionner. Deuxièmement, tu diminues ou
détruis tout à fait par cela même l'espoir que le Créateur Notre
Père Commun a mis dans les possibilités qui te furent départies en
tant qu'être tri-cérébral, et sur l'aide desquelles II compte pour
l'avenir. L'absurdité manifeste de cette épouvantable action êtrique
éclate en ceci déjà, que tu t'imagines, en détruisant l'existence
d'un autre être, te rendre agréable à Celui-là même qui a créé
cet être - et l'a créé, certes, avec intention.
"Se peut-il qu'il ne te soit jamais venu à l'esprit que si Créateur
Notre Père Commun créa cette « vie », II le fit certainement dans
un dessein déterminé ?
« Pense, lui dis-je [Belzébuth] encore, pense un peu, non pas comme
tu t'es habitué à penser pendant toute ton existence, tel un « âne
de Khorassan », pense honnêtement, sincèrement, comme il est propre
de le faire à un « être à l'image de Dieu », ainsi que tu te
nommes toi-même.
« Se pourrait-il qu'après vous avoir créés, toi et ces êtres dont
tu détruis l'existence, Notre Créateur ait gravé sur le front de
certaines de Ses propres créatures qu'elles devraient être détruites
en Son honneur et pour Sa gloire?
« Quiconque y pense sérieusement et sincèrement, serait-il un idiot
de « l'île d'Albion», est à même de comprendre que cela n'aurait
jamais pu être.
« Cette idée n'est qu'une invention des hommes qui se disent « à
l'image de Dieu », et non de Celui qui a créé, en même temps que
ces hommes, toutes les autres formes d'êtres, qu'ils détruisent
soi-disant pour Son plaisir et Sa satisfaction.
« Pour Lui, la vie des hommes et celle des êtres de toutes formes ne
présentent aucune différence.
« Et les hommes sont « vie », et les êtres d'autres formes
extérieures sont « vie ».
« Dans Sa Sagesse, II a prévu que la Nature adaptât la diversité
des formes extérieures de chaque être aux conditions et au milieu où
était destiné à s'écouler le processus de son existence.
« Toi, par exemple : serais-tu en mesure, avec les organes internes et
externes que tu possèdes, d'aller te jeter à l'eau pour y vivre comme
un poisson?
« Certainement pas, parce que tu n'as ni « branchies », ni «
nageoires », ni « queue » comme le poisson : tu n'es pas une « vie
» destinée à exister dans un milieu tel que l'eau.« Si tu t'avisais
d'aller te jeter à l'eau, tu serais bien vite suffoqué, tu coulerais,
et servirais de hors-d'uvre aux poissons qui sont naturellement plus
forts que toi dans ce milieu qui leur est propre.
« II en va de même pour les poissons. Un poisson pourrait-il venir
s'asseoir à cette table bien servie, et boire en notre compagnie le «
thé vert » que nous dégustons en ce moment?
"Certainement non! Il n'a pas d'organes appropriés à une
manifestation de ce genre. Il est créé pour l'eau et tous ses organes
internes et externes sont appropriés à cet élément, le seul qui lui
soit propre et où il puisse se manifester avantageusement pour
accomplir le destin que lui a fixé le Créateur.
"De même, chez toi, les organes internes et externes ont été conçus
par Notre Créateur Commun de manière appropriée. Il t'a été donné
des pieds pour que tu marches ; il t'a été donné des mains pour que
tu prépares et prennes la nourriture nécessaire ; il t'a été donné
un nez, et des organes qui s'y relient, pour absorber et transformer en
toi les substances cosmiques dont se revêtent, chez les êtres
tri-cérébraux tes semblables, les deux corps étriqués supérieurs
en l'un desquels repose précisément l'espoir de Créateur Commun
Tout-Embrassant, qui attend de lui l'aide dont II a besoin pour
réaliser, comme II l'a prévu, le bien de tout ce qui existe.
"Bref, la Nature a reçu de Notre Créateur Commun le principe voulu
pour qu'Elle revête et adapte aussi tous les organes internes et
externes des êtres ayant un système de cerveaux comme le tien, selon
le milieu dans lequel est destiné à s'écouler le processus de leur
existence.
"Pour rendre la chose plus claire, ton âne, attaché dans ton
écurie, sera un très bon exemple."Envers ton âne, tu abuses
des possibilités que t'a données Notre Créateur Commun, car si cet
âne se trouve aujourd'hui par force en ton écurie, c'est
uniquement parce qu'il a été créé bi-cérébral ; et il a été
créé bi-cérébral parce que cette organisation de sa présence
générale est indispensable à l'existence cosmique sur les
planètes.
« C'est donc légitime que la présence de ton âne soit dépourvue de
toute possibilité de « penser logique » - c'est légitime qu'il
soit, comme tu le définis, un être « peu sensé » ou « stupide ».
« Quant à toi, tu as été créé, non seulement pour servir ce même
but d'existence cosmique sur les planètes, mais aussi comme « champ
d'espérance » pour Notre Créateur Commun Tout-Miséricordieux ; en
d'autres termes, tu as été créé avec la possibilité de revêtir en
ta présence, la « Grandeur sacrée » par excellence, pour
l'avènement de laquelle l'Univers entier lui-même a été créé.
Mais en dépit des possibilités qui te furent conférées - celles
d'un être tri-cérébral et par cela même capable d'un « penser
logique » - tu n'appliques point cette propriété sacrée au but en
vue duquel elle t'a été donnée, mais tu la manifestes sous forme de
« ruse » envers les autres créatures - dans le cas présent, par
exemple, envers l'âne qui t'appartient.
« Exception faite de la possibilité qui te fut dévolue de revêtir
consciemment en ta présence cette « Grandeur sacrée », ton âne,
pour le processus cosmique général, et par conséquent pour Notre
Créateur Commun, a la même valeur que toi, car tous deux vous avez
été destinés à servir quelque but déterminé, et l'ensemble de ces
buts déterminés constitue la raison d'être de tout ce qui existe.
« La seule différence entre ton âne et toi réside dans la forme et
la qualité de fonctionnement de l'organisation intérieure et
extérieure de vos présences générales.
« Par exemple, tu n'as que deux jambes, alors que ton âne en a
quatre, dont chacune est beaucoup plus forte que les tiennes.
« Pourrais-tu, dis-moi, sur ces deux faibles jambes, porter autant que
ton âne ?
« Assurément pas ! Tes jambes ne t'ont été données que pour te
porter toi-même, ainsi que le peu de choses prévu par la Nature comme
indispensable à l'existence
normale d'un être tri-cérébral. Et cette inégale répartition de
force et de puissance, injuste, à première vue, de la part de Notre
Très Equitable Créateur, a été voulue par la Grande Nature pour la
seule raison que le surplus de substances cosmiques qu'elle t'autorise
à prendre, selon la prévoyance du Créateur, pour servir à ton
propre perfectionnement, ne fut point donné à ton âne ; chez ton
âne, ce surplus de substances cosmiques transformé par la Grande
Nature en force et en puissance de certains de ses organes - pour
l'existence présente seulement - sans d'ailleurs qu'il en ait
conscience ; aussi t-il manifester cette puissance incomparablement
mieux toi.
"Et ces diverses manifestations de puissance d'êtres de différentes
formes constituent dans leur ensemble les seules conditions
extérieures dans lesquelles tes semblables, les tri-cérébraux,
peuvent consciemment perfectionner, jusqu'au degré voulu de
Raison objective, le « germe de Raison » déposé en leur présence.
"Je te le répète, pour Notre Créateur Commun, les êtres de tous
systèmes de cerveaux, existant sur la terre, dans la terre, dans l'eau
et dans les airs, sont tous sans exception, les plus petits comme les
plus grands, également indispensables à l'harmonie d'existence
universelle.
"Puisque c'est cet ensemble de toutes les sortes d'êtres qui constitue
la forme de processus d'existence universelle requise par Notre
Créateur, l'essence de chaque être Lui est également précieuse et
également chère.
"Pour Notre Créateur Commun, les êtres ne sont que des parcelles
d'existence d'une seule Essence qu'Il spiritualise."Mais que
voyons-nous autour de nous ?
"L'une des formes d'êtres qu'Il a créés, et en la
présence desquels II a placé tout Son espoir pour le bien - de toutes
choses existantes, abusant des avantages qu'elle possède, s'est mise
à dominer les autres formes et à détruire de droite et de gauche
leur existence - et elle le fait soi-disant « en Son Nom ».«Cette
action monstrueuse et anti-divine se commet ici sur chaque place et
dans chaque maison, et pourtant il ne vient à l'esprit d'aucun de ces
malheureux que ces êtres, dont nous détruisons en ce moment
l'existence, sont tout aussi chers que nous à Celui qui les a crées,
et que s'Il a créé ces autres formes d'êtres, c'était certainement
en vue de quelques buts.
Ayant ainsi parlé, [ Belzébuth, le personnage de Gurdjieff ] ajouta :
« Et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que tout homme qui
détruit l'existence d'autres êtres en l'honneur de ses idoles
vénérées, le fait de tout son cur, pleinement: convaincu qu'il
exécute une « bonne action ».
« Si chacun d'eux prenait conscience du fait qu'en détruisant
l'existence d'un autre être, il commet au contraire une mauvaise
action envers le vrai Dieu comme envers tout Saint véritable, et
suscite même en leur Essence de h tristesse et de l'affliction, à
l'idée qu'il existe dans le Grand Univers de pareils monstres « à
l'image de Dieu », capables de se manifester de manière si indigne et
si impitoyable; envers d'autres créatures de Notre Père Commun -
si chacun d'eux, je le répète, en prenait conscience, je suis
absolument certain qu'ils accepteraient tous, et de tout cur,
de ne plus détruire l'existence d'êtres d'autres formes pour les
offrir en sacrifice.
« Et peut-être alors serait observé sur la Terre le dix-huitième
commandement de Notre Créateur Commun, qui ordonne : « Aime tout ce
qui respire ».
« Offrir à Dieu l'existence d'autres créatures est l'acte d'un
brigand qui s'introduirait par force en ta maison et détruirait sans
rime ni raison tous les « biens » qui s'y trouvent, que tu as mis des
années à accumuler et qui t'ont coûté tant de peine et de
souffrances.
"Pense, mais pense, je te le répète, sincèrement ;
représente-toi ce que je viens de te dire et réponds-moi : cela te
serait-il agréable? Remercierais-tu l'effronté brigand qui se serait
introduit chez toi?
"Non ! Assurément non ! Mille et mille fois non ! Tu te révolterais
au contraire de tout l'être, tu voudrais punir ce scélérat, et
de toutes les fibres de ton psychisme tu t'efforcerais de trouver
une manière de t'en venger.
"Tu vas sans doute me répondre : c'est vrai, mais je ne qu'un
homme..."Oui certes, tu n'es qu'un homme. Il est heureux que Dieu soit
Dieu, et non pas vindicatif et méchant comme l'homme.
"Bien sûr qu'il ne te punira pas et ne tirera pas de toi vengeance
comme tu l'aurais fait pour le brigand qui aurait détruit
tes biens accumulés au cours des ans. Cela va sans dire : Dieu
pardonne tout ; cela a même force de loi dans le monde.
"Mais aucune de Ses créatures - l'homme pas plus les autres - ne
doit abuser de cette Bonté toute-miséricordieuse et
partout-pénétrante, et il est de leur devoir à toutes non seulement
de veiller à tout ce qui fut créé par mais encore de le maintenir.
"Sur cette Terre, au contraire, les hommes vont jusqu'à diviser tous
les êtres d'autres formes en « purs » et "impurs".
"Dis-moi, comment furent-ils amenés à faire cette
distinction ? Pourquoi, par exemple, le mouton est-il « pur » et le
lion "impur » ?
"Ne sont-ils pas des êtres tous les deux?
"C'est là encore une invention des hommes... Mais pourquoi
cette invention, pourquoi cette distinction ? Tout bonnement parce que
le mouton est un être faible et qui plus est, stupide, et qu'ils
peuvent en prendre à leur aise avec lui.
"Quant au lion, les hommes le disent "impur" parce qu'avec
lui ils n'osent pas faire ce qu'ils veulent.
« Le lion est plus intelligent, et surtout plus fort qu'eux.« Non
seulement il ne se laisse pas détruire, mais il ne se laisse pas
approcher. Et si quelqu'un prenait un beau jour la liberté de
l'approcher, « Monsieur Lion » aurait vite fait de lui flanquer une
telle « taloche » que la vie de ce téméraire s'envolerait illico
bien loin, là où « gens de l'île d'Albion » n'ont encore jamais
voyagé.
« Le lion, encore une fois, n'est « impur » que parce que les hommes
le craignent.
« II est cent fois plus fort qu'eux, il leur est cent fois supérieur.
Le mouton, lui, n'est « pur » que parce qu'il est beaucoup plus
faible et, je le répète, beaucoup plus bête qu'eux.
« Tout être occupe parmi les autres une place déterminée, conforme
à sa nature, ainsi qu'au degré de Raison atteint par ses ancêtres et
qui lui revient par hérédité.
« La différence entre les présences, nettement cristallisées, du
psychisme de ton chien et de ton chat, nous permettra d'éclairer ce
que je viens de te dire.
"Si tu gâtes tant soit peu ton chien et le dresses à faire ce qui te
plaît, il deviendra docile et caressant au point de s'humilier devant
toi.
« II te suivra partout et exécutera devant toi toutes sortes de «
cabrioles » à seule fin de te plaire toujours davantage.
« Tu peux le traiter familièrement, tu peux le battre, tu peux
l'offenser, jamais il ne s'en fâchera : il ne fera que s'aplatir de
plus en plus devant toi.
« Mais essaie donc de faire la même chose avec ton chat.
« Crois-tu qu'à tes offenses il répondra comme un chien et qu'il
exécutera pour ton plaisir les mêmes « cabrioles » humiliantes ?
Allons donc !
« Bien que le chat n'ait pas assez de force physique pour user
sur-le-champ de représailles, il n'oubliera jamais la manière dont tu
l'as traité, et un jour ou l'autre s'en vengera.« On cite des cas de
chats qui sautèrent à la gorge d'un homme pendant son sommeil. Je le
crois sans peine, connaissant les motifs qui poussent un chat à
commettre une pareille action.
« Non, le chat a le sens de sa personne, il connaît sa propre valeur
; il est fier, et cela uniquement parce qu'il est un chat, et que sa
nature possède ce degré de Raison qui est le sien de par les mérites
de ses ancêtres.
« Dans tous les cas, aucun être, même pas l'homme, ne doit lui en
faire grief.
« En quoi est-il coupable d'être un chat? Quel mal y a-t-il à ce que
sa présence occupe, de par les mérites de ses ancêtres, ce degré de
« conscience de soi » ?
« II ne faut pas haïr le chat pour cela, ni le battre, ni offenser ;
bien au contraire, il faut lui donner ce qui lui est dû, en tant qu'il
occupe un degré supérieur de l'échelle d'évolution de la
«conscience de soi ».
« Ce n'est pas en vain qu'un ancien prophète de la planète «
Desagroanskrad », le célèbre « Arhounilo », actuel assistant du
Grand Enquêteur de l'Univers entier en matière de morale objective, a
dit un jour : « Si un être t'est supérieur par la Raison,
incline-toi devant lui et tâche de l'imiter en tout; s'il t'est au
contraire inférieur, sois juste à son égard, parce qu'il fut un
temps où tu occupais la même place que lui, d'après le Mesureur
Sacré de Raison de Notre Créateur Tout-Puissant."